"C’est
pourtant un joli mot, la compassion ? Souffrir avec, être en sympathie,
prendre sa part de la peine, de la douleur ou du mal d’autrui."
Dans
un essai paru l’an dernier chez Grasset, Michel Richard, directeur adjoint de
la rédaction du Point, dénonce la dérive contemporaine d’une République confite
de bons sentiments. Des citoyens traités en patients ou en victimes, des
responsables politiques attentifs à ne laisser échapper, dans les média, aucun
malheur sans témoigner de leur émotion, une République qui "se soucie
désormais moins de la chose publique que de la gestion publique de la chose
privée". Et surtout, car c’est l’essentiel du propos, des responsables
qui substituent l’émotion à l’action. Quand les ministres sont
préoccupés d’arriver les premiers sur les lieux d’un drame, mais moins de veiller, en continu, à l’organisation de base qui en diminuerait le nombre… Quand le chef de l’Etat se déclare "horrifié" par l’accident d’un pétrolier poubelle et fustige, comme s’il n’en faisait pas partie, l’incapacité des responsables, alors même que le gouvernement n’a pris de longue date aucune mesure pour augmenter le taux de contrôle des navires, en France l’un des plus faibles d’Europe…
Ce
petit livre est à vrai dire assez décevant. L’auteur, journaliste lui-même, ne
fait qu’effleurer au passage le rôle des média dans l’évolution qu’il dénonce.
Il fournit des exemples intéressants, mais pas vraiment d’analyse. L'essai vaut par
le petit signal d’alerte qu’il représente, bien condensé en quelques formules: "Nous sommes de plain pied dans une démocratie d’émotion, qui est la
grimace de la démocratie d’opinion, elle-même grimace démagogique de la
démocratie. Le tout nimbé d’une sorte de gentillesse d’hôpital." "La compassion est devenue le cache-misère d’une absence de
politique ; le cœur en étendard, mais l’esprit en berne". Formules
qui semblent malheureusement plus actuelles que jamais, en ces débuts de
campagne électorale. Le bon-heur, le vôtre, vous dit-on, c’est cela dont on se
préoccupe ou se préoccupera. Avec quelles actions concrètes, quels moyens réels ? On verra...
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